L'odyssée des crotteux
Nous
n'avions pas encore de nom à l'époque où nous vagabondions en
arborant des airs tristes et apeurés, dans les rues de Montmorillon.
Nous
allons utiliser pour notre récit nos prénoms actuels. Hélios et
Hazur alias les crotteux car notre maman adoptive était horrifiée
de voir de si petits êtres faire des crottes aussi terrifiantes et
monstrueuses en tout : taille, fréquence et surtout
odeur
!
Notre
histoire débute sur une note triste et banale : abandonnés et
livrés sans aucune défense dans la jungle de la vie, dès notre
plus jeune âge. Pas facile d'être des animaux de compagnie. Dans
notre cas nous étions de beaux chatons mâles de 2 mois à peine,
issus de la même fratrie, trouvés errant dans une des rues les plus
dangereuse de Montmorillon, à cause de la circulation incessante des
voitures roulant à toute berzingue.
La
découverte du monde des terriens fut brutale et terriblement
angoissante.
Désorientés
et perdus nous nous serrons les pattes pour faire face à ce cruel
destin.
De
nous deux Hazur est le plus timide et le plus fragile, contrairement
aux apparences physiques qui laisseraient croire le contraire.
Mon
frère est robuste style Rambo et moi gringalet style Mr Bean. Tous
les deux nous nous adorons et sommes très complices.
Notre
vie a basculé un beau jour du mois de Mai
-
Hélios, on est où ? Où sont les gens chez qui nous étions ?
-
Je ne sais pas Hazur, continuons à marcher, peut-être que nous
allons retrouver notre maison et notre maman.
-
J'ai faim Hélios, pas toi ?
-
Si, mais nous sommes seuls et perdus et je ne sais pas quoi faire, et
j'ai peur. Tous ces bruits et ces engins étranges qui foncent en
nous frôlant me terrorisent.
Je
crois bien que les bonnes étoiles nous ont oubliées Hazur.
-
Hélios, rappelle les, ils n'ont pas le droit de nous oublier !
-
T'es marrant Hazur, je n'ai pas leur numéro de portable ni leur
email, mais ne te bile pas nous sommes ensemble et nous allons nous
en sortir.
-
Comment, hein ? je sens que je flippe, j'ai l'estomac tout retourné.
-
Ne panique pas frérot, nous sommes des félins c'est à dire des
petits fauves mignons mais féroces et nous n'allons pas baisser les
pattes comme ça !
Laissons
parler notre instinct de survie
-
C'est quoi l'instinct de survie ?
-
Mamamia, Mamamia, NON, avant que tu me le demandes ce n'est pas une
chanson de ABBA que je suis en train de psalmodier.
Bon
voilà, l'instinct de survie c'est une puissante énergie que chaque
être vivant a au fond de lui. Si on l'écoute et si on se laisse
guider par lui, on peut avoir une chance de s'en sortir pas trop mal.
Exemple, lorsque nous sommes nés nous étions sourds et aveugles et
notre instinct de survie nous a dirigé droit vers les mamelles de
notre maman pour boire son lait sans nous tromper de route alors que
nous ne connaissions pas le chemin.
-
Ah, ouais c'est comme un GPS intérieur ?
-
On peut voir ça comme ça
-
Je suis épuisé, affamé et incapable d'avancer une patte de plus
Hélios.
-
Nous ne pouvons pas nous poser ici Haz, c'est trop dangereux et toute
cette effervescence ne présage rien de bon, notre pourcentage de
survie doit frôler le zéro, nous devons trouver un coin plus
accueillant et plus tranquille rapidement.
Allez
frérot juste un petit effort, je sais que tu peux le faire.
-
Bon Ok, un kilomètre à pattes ça use ça use, un kilomètre à
pattes ça use les coussinets, un kilomètre...
-
Après une longue marche épuisante nous avons fini pas atterrir dans
un square et déniché un endroit qui nous semblait calme et
sécurisant.
Rencontres
salvatrices
-
Eh regarde, il y a 2 chatons sous ce banc, ils sont trop mignons.
-
Approchons nous doucement sans les effrayer, on dirait qu'ils sont
perdus et ils ont l'air d'avoir faim.
-
Un peu mon n'veu, nous sommes A F F A M M E S avec Hélios
-
Qu'est ce que vous êtes beaux tous les deux, nous ne pouvons pas
vous laisser là, pour sûr vous ne survivriez pas longtemps.
-
N'est ce pas ? nous sommes 100%
d'accord !
-
Nous allons vous emmener chez une très gentille dame qui s'occupe
des pauvres chats abandonnés et errants, vous serez entre de bonnes
mains. Elle n'habite pas très loin de là.
-
Où vous voulez, nous vous suivrons sans faire d'histoire du moment
qu'on nous donne à manger et qu'on nous traite bien.
Hélios
ça y est , les bonnes étoiles sont avec nous Croisons les
moustaches pour que cela dure.
-
Vous n'êtes pas farouches, dites-donc ? Pas de doute vous avez connu
des humains pour être aussi câlins et vous laisser prendre de la
sorte.
Comment
peut-on faire une chose pareille, abandonner des êtres aussi tendres
et sans défense.
-
Malheureusement, c'est possible !
-
Je me demande si vous êtes de la même famille, vous ne vous
ressemblez pas du tout.
-
Normal, qu'on ne se ressemble pas. Les chatons peuvent être frères
et avoir des pères différents
-
Toi tu me fais penser à une vache bretonne avec tes couleurs noires
et blanches, et toi avec tes yeux bleus, tes oreilles marron foncé
et ta robe beige , tu me fais penser à un siamois ou un sacré de
Birmanie.
-
Vache bretonne comment ça ? je n'ai pas vraiment le même format,
pour Haz je confirme : il est croisé sacré de Birmanie.
Dommage
que vous ne compreniez pas la langue des chats nous aurions pu lever
quelques mystères.
-
Trêve de bavardage nous vous emmenons chez la dame aux chats
-
Ah, mon dieu, encore des pauvres victimes de la bêtise et de la
lâcheté humaine.
Vous
êtes trop petits les bébés pour aller dans le refuge avec les
autres chats.
Je
vous donne vos bibis et ensuite, nous allons parer au plus urgent :
trouver une maman d'accueil et avec un peu de chance une famille
aimante et responsable pour vous adopter.
-
Hélios, je me sens mieux, y a pas à dire un bon bibi et un bon dodo
dans un coin confortable et mon corps redémarre. Je te remercie, tu
as eu raison de persévérer. Grâce à ton optimisme à toutes
épreuves les bonnes étoiles nous sourient enfin !
-
La lumière peut se trouver dans les coins les plus sombres, pour la
voir il est important de positiver, n'oublie jamais ça frérot.
-
Notre ange gardienne a tenu sa promesse. Hélios et moi avons été
recueillis pour un mois dans une grande maison où vivent et se
côtoient toutes sortes d'animaux : chiens, chats, oiseaux, et même
un poney. C'est une véritable arche de Noé, à la tête de laquelle
une femme courageuse tient la barre. Contre vents et marées elle
soulage tous les bobos physiques et psychologiques de ses infortunés
petits amis de compagnie.
Grâce
à elle nous avons trouvé notre merveilleuse famille adoptive :
accueillante, sensible et attentive à notre bien être. En
atterrissant ici nous avons gagné un grand frère : un rouquin de 14
ans auquel il ne fallait pas trop titiller les moustaches.
En
fait, Il fait le méchant mais c'est juste du chiqué.
Nous
avons aussi des ami(e)s de passage, ma nouvelle maman tient une
pension pour chats, nous ne pouvions pas mieux tomber ! Nous avons
passé nos premiers mois dans la pension avec ses occupantes ; nous
avons mis une ambiance du tonnerre ou si vous préférez nous avons
allumé le feu, le feu sacré de la joie et de la bonne humeur et
contaminé ainsi toute la pension et ses vacancières les plus
revêches. Aujourd'hui, nous sommes trop grands et n'avons plus accès
à la partie pension, juste la permission de passer devant. Cela ne
nous empêche pas de faire les clowns devant la porte de la chambre
des vacanciers VIP ou de traîner côté jardin pour les zieuter à
travers le grillage.
Nous
avons aussi sympathisé avec les minets et les minettes de notre
quartier, notre jardin attire comme un aimant les chats du voisinage,
il savent que ce petit bout de terre est le royaume des chats. Parmi
eux Clochette, une chatte devenue SDF suite au déménagements de ses
maîtres. Selon son humeur, Madame vient nous rendre visite
régulièrement, parfois elle s'installe même dans la maison. Notre
maman l'a prise sous sa protection un jour de pâques d'où son nom
Clochette.
Le
seul avec qui nous avons des bisbilles est un gros persan gris et
bagarreur qui se prend pour Yvan le terrible. Sa spécialité mordre
les fesses de ses congénères et pénétrer dans les maisons pour
chaparder croquettes et pâtés. Une vrai Canaille celui-là !
D'ailleurs,
il est surnommé la Fripouille par notre maman qui ne peut s'empêcher
de prendre sa défense malgré ses nombreux méfaits. selon elle s'il
avait été castré il se montrerait moins belliqueux, plus gentil et
resterait plus souvent chez lui. Peut-être qu'il le sera un jour.
Nous
c'est fait, et en prime nous avons été pucés. Cela ne nous a pas
du tout traumatisé. Fini les marquages urinaires intempestifs, et
les autres comportements indésirables liés à nos hormones, cerise
sur le gâteau , nous pouvons fricoter avec les minettes du quartier
en toute quiétude, les chatons qui naîtrons accidentellement ne
pourrons pas nous accuser d'être leur père biologique et surtout le
cycle infernal des abandons et des tueries de chatons est interrompu.
Plus de surpopulation de chats qui empoisonnent l'ambiance entre les
voisins. A la trappe le stress, l'angoisse et la culpabilité des
maîtres. La castration, la stérilisation et l'identification c'est
du bénef pour tous !
Hazur
et moi savourons à pleine dents et sans modération notre nouvelle
vie.
Nous
avons
retrouvé notre confiance en l'espèce humaine grâce à cette belle
chaîne de solidarité qui nous a permis de rencontrer des personnes
formidables.
La
beauté et l'intelligence du cœur ne laissera pas la laideur et la
bêtise s'imposer même si la guerre est rude et n'est pas prête de
s'achever.
Loin
de nous les notes tristes du début, à nous les notes joyeuses et
heureuses de la vie !
Avant
de vous quitter, vous vous demandez peut-être d'où viennent nos
noms : Hazur et Hélios.
2012
était l'année des H et comme la situation météorologique était
tristoune, notre maman, pour conjurer le sort, a décidé de nommer
mon frère Hazur avec donc un H, ses yeux bleus sont aussi pour
quelque chose dans son choix. Quant à moi elle m'a nommé Hélios en
référence au dieu du soleil dans la mythologie grecque. Par pitié
ne me confondez pas avec Apollon qui lui représente la lumière.
Voilà
vous savez à peu près tout de notre incroyable Odyssée qui s'est
achevée à Nouaillé-Maupertuis, c'est à dire le mauvais chemin,
nommé ainsi suite à la défaite du roi de France Jean Le Bon au 14è
siècle face au Prince Noir, un anglais bien sûr. Contrairement à
Jean le Bon pour nous le mauvais chemin est synonyme de victoire sur
l'injustice et du bonheur absolu appelé le NIRVANA chez les
bouddhistes.
Hélios
et Hazur alias les Crotteux heureux.
Nos
premier jours à Nouaillé-Maupertuis, nous sommes à croquer non !?
Moi
Hélios
Moi
Hazur
Encore
timides mais curieux et joueurs
Plongés
dans les bras de Morphée
Nous
quelques mois plus tard
Malgré
les beaux coussins moelleux nous adorons dormir sur les vielles
serpillières
Nous
ne sommes vraiment pas difficile !
Sur
notre arbre
Réunion
présidée par Noisette
Clochette
nous zieute à travers la véranda
Notre
grand frère Noisette
14
ans au compteur
ce
coin là c'est son COIN. Cette maisonnette c'est SA maisonnette.
Poser notre patte même pas en rêve !
Nous
nous contentons des autres coins qu'il daigne nous laisser. Voyez
comme cela nous traumatise !